Eoliennes : obligation de l’existence d’un intérêt majeur eu égard aux espèces protégées

éoliennes et respect des espèces protégées

L’association Sauvegarde des Avant-Monts et Mme B… ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 22 novembre 2016 du préfet de l’Hérault portant autorisation à la société Parc éolien des Avant-Monts de dérogation aux interdictions relatives aux espèces de faune sauvage protégées, dans le cadre de la réalisation du parc éolien des Avant-Monts. 

Par un arrêt n° 18MA04972 du 24 janvier 2020, la cour administrative d’appel de Marseille a, sur appel de l’association Sauvegarde des Avant-Monts et de Madame B…, annulé ce jugement et l’arrêté du 22 novembre 2016.

Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 23 juillet 2014, pris en application de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, le préfet de l’Hérault a autorisé, à titre dérogatoire, la société Parc éolien des Avants-Monts à détruire ou altérer les habitats de reproduction ou de repos de spécimens de cent espèces animales protégées et à perturber ou détruire ces mêmes espèces, pour la réalisation d’un parc éolien de dix éoliennes pour une puissance de trente mégawatts sur le territoire de la commune de Ferrières-Poussarou.

Par un jugement du 27 septembre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande d’annulation de cet arrêté formée par l’association Sauvegarde des Avants-Monts et Mme B…. La ministre de la transition écologique et solidaire, d’une part, et la société Parc éolien des Avants-Monts, d’autre part, se pourvoient en cassation contre l’arrêt du 24 janvier 2020 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a annulé ce jugement ainsi que l’arrêté préfectoral attaqué, au motif que la dérogation accordée n’était pas justifiée par une raison impérative d’intérêt public majeur au sens du c) du 4° du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement


L’article L. 411-1 du code de l’environnement prévoit, en effet, lorsque les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation d’espèces animales non domestiques, l’interdiction de  » 1° La destruction ou l’enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d’animaux de ces espèces ou, qu’ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l’arrachage, la cueillette ou l’enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ; / 3° La destruction, l’altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d’espèces (…) « .

Le I de l’article L. 411-2 du même code renvoie à un décret en Conseil d’Etat la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment :  » 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 411-1, à condition qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l’autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (…) / c) Dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ; (…) « .

Il résulte de ces dispositions qu’un projet d’aménagement ou de construction d’une personne publique ou privée susceptible d’affecter la conservation d’espèces animales ou végétales protégées et de leurs habitats ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s’il répond, par sa nature et compte tenu des intérêts économique et sociaux en jeu, à une raison impérative d’intérêt public majeur.

En présence d’un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d’une part, il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et, d’autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que le parc éolien projeté, d’une part, serait susceptible d’affecter quatre espèces de reptiles, une espèce d’amphibien, soixante-dix espèces d’oiseaux dont neuf à fort enjeux de conservation et, d’autre part, représenterait une production électrique évaluée à trente mégawattheures, correspondant à la consommation d’environ 26 000 habitants, permettrait d’éviter le rejet annuel dans l’atmosphère de l’ordre de 50 920 tonnes de gaz carbonique. 

Après avoir relevé que le projet de parc éolien n’apporterait qu’une contribution modeste à la politique énergétique nationale de développement de la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie dans une zone qui compte déjà de nombreux parcs éoliens et que les bénéfices socio-économiques du projet seraient limités et principalement transitoires, la cour a exactement qualifié les faits de l’espèce en jugeant que, dans ces conditions, le projet en cause ne répondait pas à une raison impérative d’intérêt public majeur au sens du c) du 4° de l’article L. 411-2 du même code. 

En statuant ainsi, par un arrêt suffisamment motivé, la cour n’a pas apprécié l’existence d’une raison impérative d’intérêt public majeur en fonction de l’ampleur de l’atteinte porté par le projet à des espèces protégées mais s’est bornée à relever l’existence d’une telle atteinte, pour en déduire la nécessité d’une autorisation de l’article L. 411-2. 

Elle n’a pas davantage commis d’erreur de droit en ne recherchant pas si les autres conditions posées par l’article L. 411-2 étaient remplies, dès lors qu’elle jugeait que le projet ne répondait pas à une raison impérative d’intérêt public majeur.